Ce mois-ci nous sommes allées à la rencontre de Melek Sassi, spécialiste en éducation positive.
Melek s’est formée grâce à Isabelle Filliozat et propose un accompagnement personnalisé et des ateliers destinés aux parents et aux professionnels.
Nous lui avons soumis quelques questions qui vous permettront de mieux comprendre de quoi il s’agit et comment s’approprier cette approche éducative bienveillante.
Qu’est ce que l’éducation bienveillante ?
C’est un état d’esprit qui a vu le jour à la lumière des nouvelles découvertes scientifiques et des neurosciences. Un parent (ou un professionnel) bienveillant va adapter au mieux sa posture éducative pour répondre aux besoins de son enfant, mais aussi aux siens.
Nous connaissons aujourd’hui les effets inhibiteurs du stress sur le cerveau et, à l’inverse, l’importance de l’empathie et des émotions dans le développement des enfants. Il ne s’agit pas du tout d’être un parent parfait ! Se concentrer sur ses forces, s’enrichir de ses erreurs et prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres. Ce sont les clés de la parentalité bienveillante, appelée aussi, positive. Positive parce qu’elle invite les parents à utiliser des phrases positives pour communiquer avec l’enfant. Par exemple : « Voilà comment on s’occupe d’une plante, on la caresse et on la nourrit » au lieu de « On n’arrache pas les feuilles des plantes ! »
D’autre part, l’adjectif « Positive » renvoie aussi au courant de la psychologie positive dont cet état d’esprit s’inspire beaucoup. Il s’agit de trouver un juste milieu entre l’éducation autoritaire des générations précédentes et le style permissif observé dans certains pays vers la fin des 30 glorieuses. Nous avons désormais à disposition une palette d’outils adaptés à nos enfants.
Elle est souvent vue comme une éducation laxiste. Quels conseils pour aider les parents à argumenter ?
Ne cherchez pas à changer les autres. La famille est le premier environnement social dans lequel l’enfant va découvrir « la différence » et apprendre la tolérance. Plutôt que de protéger votre enfant face à sa mamie qui le punit par exemple. Fournissez-lui des outils pour faire face à cette situation inconfortable pour lui. Apprenez-lui à identifier ce qui se passe en lui, ce qui le dérange vraiment dans l’attitude de sa mamie.
Il observera peut être un chevauchement des besoins de sa mamie et du sien à ce moment-là et agira pour rétablir un équilibre. Avec l’âge et l’entraînement il pourra très bien proposer à sa mamie des solutions. Comme : « au lieu de m’enfermer dans ma chambre parce que tu as besoin de te reposer, tu peux me donner de quoi m’occuper. Mais tu me promets de jouer avec moi lorsque l’aiguille de l’horloge sera sur le 12. »
Il a déjà entendu cette alternative chez lui et il pourra l’utiliser dans des situations similaires.
Par ailleurs, lorsqu’on est face à des phrases du style « Tu ne vas jamais t’en sortir si tu continues comme ça » ou « à mon époque, on ne m’aurait jamais laissé marcher les pieds nus ! C’est dangereux pour les enfants ! »
Commencez vos phrases par “oui et…” comme le suggère Isabelle Filliozat, “oui c’est ce qu’on a toujours pensé en effet maman, tu as raison, maintenant ça a changé” ou se contenter de sourire gentiment.
Plus concrètement, pour l’entourage proche et selon la fréquence des rencontres, ne pas chercher à ce qu’ils adoptent tous les principes de votre éducation. Lorsqu’ils sont avec vos enfants, se contenter de 2 ou 3 règles les plus importantes pour vous ! Par exemple, moi pour les vacances et à un certain âge de mon enfant, car les règles peuvent changer, les 2 règles étaient 0 écran et respect non discutable des signes de fatigue. Et donc de l’heure du coucher car je connais bien l’impact du non-respect de son rythme sur mon enfant. La conséquence est que lorsque nous allons rentrer à la maison : Papa et Maman vont galérer la nuit et personne d’autre.
Quels conseils pour se préserver en tant que parent ?
Je pense qu’un parent n’est pas en danger pour se préserver, lorsqu’il essaye d’être un parent bienveillant. Être face à un enfant qui s’oppose n’est pas une posture confortable. Si en plus, nous nous forçons à ne pas crier car nous voulons être à tout prix des parents positifs tout le temps, pour ne pas reproduire le schéma que nous avons vécu enfant. Ça peut en effet s’avérer très difficile car c’est comme si on remettait en question, inconsciemment bien sûr, toute notre éducation, les choix de nos parents voire notre identité.
Le danger viendrait donc de notre propre fonctionnement et non de notre enfant ou de nos choix. Heureusement, de nombreux parents gèrent assez facilement cette différence entre le modèle éducatif qu’ils ont reçu et celui qu’ils ont choisi pour leurs enfants.
Une prise de conscience des origines d’un blocage sera généralement suffisante pour aider les parents, en difficulté, à avancer sur le chemin qu’ils ont choisi.
Lors des ateliers et de l’accompagnement personnalisé, que nous proposons aux parents, nous travaillons, entre autres, sur ces prises de conscience et sur des outils concrets pour agir ensuite.
Quels bénéfices pour les enfants ?
Je dirai que l’apprentissage est au cœur du développement de l’enfant. Je ne parle pas que des mathématiques et de l’anglais mais de tout apprentissage dès les premières heures du nouveau-né voire dès la vie in utero. Nous savons aujourd’hui que l’apprentissage est d’autant plus efficace lorsque l’enfant est libre, autonome, compris et bien accompagné dans ses expériences dans un cadre bienveillant et non jugeant. L’émotion de l’apprentissage est la joie. Ceci rejoint les principes de la parentalité positive.
Les bénéfices vont au-delà de l’enfant car un enfant épanoui, heureux et autonome aura un impact positif dans la société. D’où l’intérêt d’investir dans l’éducation de nos enfants pour le bien-être de tous finalement.
Avec l’éducation bienveillante en fait-on des enfants-roi ?
Non pas du tout ! Il ne s’agit pas de laisser les enfants faire tout et n’importe quoi. D’ailleurs c’est dangereux pour un enfant de n’avoir aucune consigne à suivre : ça peut le rendre carrément fou ! Il s’agit tout simplement de présenter les limites autrement, d’établir plutôt un cadre évolutif selon les besoins de l’enfant et du parent avec des consignes formulées positivement. Un cadre où ils vont pouvoir développer prise de responsabilités, autodiscipline et coopération. Ce sera un sacré soulagement pour les parents qui pensent qu’ils doivent tout apprendre à leurs enfants et qui se croient responsables de tout pour leurs enfants !
Par ailleurs, les résultats spectaculaires obtenus dans les pays nordiques, dans les écoles Montessori et Freinet. Et d’après l’expérience de la pédagogue Céline Alvarez, il est largement prouvé que l’éducation positive n’est pas laxiste.
Quelles astuces donneriez vous pour utiliser l’éducation bienveillante au quotidien ?
Respirer, chercher l’information et garder en tête que nous sommes l’adulte ayant un cerveau complet. Ne pas rentrer dans un rapport de force et de pouvoir avec nos enfants dont le cerveau est en cours de construction.
Faites-vous confiance les parents !
Retrouvez Melek Sassi sur instagram @melek.sassi.boughzala.